Quand j’ai lancé mon organisme de formation, je pensais naïvement qu’il suffisait d’avoir une bonne offre pédagogique, des formateurs compétents et un site Internet propre pour trouver des clients. Et puis très vite, j’ai compris une chose : si je voulais développer mon activité, je devais rendre mes formations éligibles au CPF. C’est ce que tout le monde me demandait. Mais entre les exigences de Qualiopi, l’obligation de proposer une formation qualifiante ou certifiante, et le fameux accès à la plateforme EDOF, j’ai vite été noyé.
Cet “agrément CPF”, tout le monde en parle, mais personne ne vous explique vraiment comment l’obtenir. Pourtant, sans lui, impossible de rendre vos formations visibles sur Mon Compte Formation, et donc, impossible d’accéder à ce marché colossal.
Dans cet article, je vais vous expliquer, étape par étape, comment obtenir cet agrément CPF, à partir de mon expérience et de celle de dizaines d’organismes que j’ai accompagnés ou croisés en chemin. Je vais aussi vous parler franchement des galères : les délais, les refus injustifiés, les erreurs qui font perdre du temps. Et surtout, je vais vous montrer comment vous pouvez mettre toutes les chances de votre côté pour être accepté sur EDOF et développer une offre réellement finançable par le CPF.
Table des matières
Conditions préalables : rendre sa formation éligible au CPF
Avant même de penser à déposer ses formations sur EDOF, il faut revenir à la base : être éligible. Parce que non, toutes les formations ne peuvent pas être financées par le CPF, même si elles sont excellentes, même si elles ont de bons retours, même si vous êtes passionné.
Et c’est là que beaucoup de porteurs de projet, moi y compris à mes débuts, tombent de haut. Voici les trois conditions incontournables à remplir.
Avoir un Numéro de Déclaration d’Activité (NDA)
C’est votre ticket d’entrée dans le monde de la formation professionnelle. Sans Numéro de Déclaration d’Activité (NDA), vous n’existez pas administrativement en tant qu’organisme de formation. Ce numéro est délivré par la DREETS (ex-DIRECCTE), après avoir réalisé votre première prestation de formation et transmis un dossier complet : convention, programme, devis, feuille d’émargement…
Attention, le NDA n’est pas automatique. Il faut former au moins une personne dans un cadre professionnel, déclarer cette formation dans les règles, et être prêt à démontrer que vous respectez les obligations légales (facturation, programme détaillé, modalités d’évaluation, etc.).
Être certifié Qualiopi
Depuis janvier 2022, Qualiopi est obligatoire pour accéder aux fonds publics ou mutualisés de la formation professionnelle (parmi lesquels, le CPF). Cette certification atteste que vous respectez le Référentiel National Qualité (RNQ). En gros, c’est un audit qui vérifie que vous avez mis en place une démarche qualité structurée : objectifs clairs, processus d’évaluation, moyens mobilisés, amélioration continue…
L’audit initial peut faire peur, mais il est indispensable. Il faut le préparer sérieusement, documenter vos process, et comprendre que Qualiopi n’est pas un simple tampon administratif : c’est un véritable cadre de fonctionnement, qui rassure les financeurs… et vous professionnalise.
Proposer une formation certifiante ou qualifiante (inscrite au RNCP ou au Répertoire Spécifique)
Et c’est là que le bât blesse souvent.
Le CPF ne finance pas n’importe quelle formation. Il ne suffit pas que ce soit “utile” ou “pertinent” : il faut qu’elle soit reliée à une certification enregistrée au RNCP (Répertoire National des Certifications Professionnelles) ou au Répertoire Spécifique (RS). C’est ce qui fait la différence entre une formation “cool” et une formation “éligible”.
Vous avez alors deux choix :
- Soit vous êtes vous-même le certificateur : dans ce cas, vous devez avoir déposé un dossier auprès de France Compétences, avec toutes les contraintes que cela implique (preuve d’employabilité, structuration, évaluation, etc.). Peu d’OF choisissent cette voie car elle est lourde et complexe.
- Soit vous vous adossez à une certification existante via un partenariat avec le certificateur. C’est la voie la plus rapide pour être référencé sur EDOF et proposer des formations CPF.
À noter que quelques exceptions existent (permis, VAE, bilan de compétences, création d’entreprise), mais elles sont encadrées et ne concernent qu’une minorité d’organismes.
Référencement sur EDOF : mode d’emploi
Une fois que vous avez votre NDA, que vous êtes certifié Qualiopi, et que vous proposez une formation adossée à une certification RNCP ou RS, vous êtes (enfin) éligible… sur le papier.
Mais pour que vos formations soient visibles sur MonCompteFormation.gouv.fr – et donc finançables via le CPF – il vous faut passer par la plateforme EDOF, gérée par la Caisse des Dépôts. Et là aussi, c’est un vrai parcours du combattant si on n’est pas bien préparé.
Accès à la plateforme EDOF : créer son comptz
L’accès à EDOF se fait via l’Espace des Fournisseurs de Prestations (Espace EFP Connect) : https://www.of.moncompteformation.gouv.fr.
Une fois connecté, vous devez faire une demande d’accès à EDOF. Cette demande implique de transmettre un certain nombre de pièces justificatives obligatoires :
- Votre extrait Kbis à jour ;
- Votre certificat Qualiopi (attestation officielle) ;
- Votre Numéro de Déclaration d’Activité (NDA) ;
- Une attestation URSSAF ;
- Un RIB.
Et parfois d’autres éléments, comme les statuts de l’organisme ou les pièces d’identité du dirigeant.
Il est absolument crucial d’envoyer un dossier complet et cohérent, sinon vous risquez de recevoir une demande de pièces complémentaires… et de voir votre dossier reculer de plusieurs semaines.
⚠️ Petit conseil : créez une adresse e-mail générique et professionnelle pour EDOF, du type edof@votre-structure.fr, pour ne pas perdre les communications de la Caisse des Dépôts. Les délais sont parfois serrés, et une réponse tardive peut bloquer tout votre processus.
Saisie du catalogue de formation
Une fois que vous avez obtenu votre accès, vous entrez dans le cœur du sujet : la publication de vos offres de formation.
Là aussi, ça demande du temps et de la rigueur. Pour chaque formation, vous devez renseigner :
- Le lien avec la certification visée (RNCP ou RS)
- Une description pédagogique détaillée, cohérente et structurée
- Les modalités de déroulement : durée, format (distanciel, présentiel, mixte), rythme
- Les sessions proposées : lieux, dates de début/fin, conditions d’annulation
- Le prix exact et les éventuels frais annexes (avec justification si variation du tarif)
Un conseil : ne bâclez pas cette étape. C’est ce qui détermine non seulement votre validation, mais aussi votre attractivité sur MonCompteFormation. Des descriptions floues ou un prix mal calibré peuvent vous pénaliser.
De bons outils comme Dendreo, Anaïa ou Hop3Team peuvent vous aider à structurer votre catalogue et à le publier de façon conforme.
Validation et contrôle formel
Une fois vos offres saisies, elles ne sont pas automatiquement visibles. Elles passent d’abord entre les mains de la Caisse des Dépôts, qui les vérifie manuellement.
Ce contrôle peut prendre jusqu’à 2 mois. Pendant cette période, votre offre reste en statut “brouillon” ou “en attente de validation”. La CDC va examiner notamment :
- La concordance entre votre offre et la certification visée ;
- Le respect des exigences Qualiopi et CPF ;
- La clarté des modalités pédagogiques et tarifaires ;
- L’absence de pratiques commerciales douteuses ;
Il est courant que la CDC vous recontacte pour demander des précisions ou des modifications. Ne le prenez pas comme un refus : c’est une procédure normale.
Suivi des demandes de pièces complémentaires
Soyez réactif. Si la CDC vous demande un complément d’information (pièce manquante, incohérence, etc.), vous avez souvent 15 jours pour répondre. Passé ce délai, votre demande peut être archivée, et il vous faudra tout recommencer.
Là encore, avoir une personne dédiée ou un référent EDOF dans votre équipe est un vrai plus. Et n’oubliez pas : le niveau d’exigence monte régulièrement, donc mieux vaut tout anticiper que réparer a posteriori.
On ne va pas se mentir : obtenir l’agrément CPF, c’est long, technique, parfois frustrant. Ce n’est pas une simple formalité, c’est un vrai processus d’entrée dans un écosystème exigeant, avec ses codes, ses règles, ses procédures.
Mais une fois que l’on comprend comment fonctionne la logique derrière le CPF – et notamment le rôle central d’EDOF –, les choses deviennent plus claires. Il ne s’agit pas seulement de proposer une bonne formation, il faut aussi savoir la cadrer, la structurer, la justifier, dans un langage compréhensible pour les financeurs.
Heureusement, il existe aujourd’hui des ressources pour ne pas avancer seul. Certaines structures spécialisées proposent des formations dédiées à l’accès au CPF, incluant la gestion du dossier EDOF, la mise en conformité Qualiopi, et la stratégie de référencement. Si vous débutez ou si vous avez essuyé un refus, cela peut vraiment faire la différence.
Car au fond, le CPF reste un levier exceptionnel de développement pour un organisme de formation. Encore faut-il savoir l’activer intelligemment.